mercredi 8 mai 2013

Les visionnaires et les autres


 Je reçois à l'instant une carte postale qui annonce quelque chose d'important :



Julien Donada nous informe donc de la sortie de son film sur les visionnaires de l'architecture, ceux que nous aimons tant ici. Le film porte le titre " Les visionnaires, une autre histoire de l'architecture "
Vous trouverez au verso toutes les informations sur ce film.



On connaît bien sur ce blog Julien Donada qui nous a déjà régalé de films et de livres sur Pascal Haüsermann, Claude Parent ou encore la Grande Motte de Jean Balladur. Son œil est poétique, construit solidement et surtout, ceux qu'il aime, il ne se contente pas de les évoquer dans des fantômes formels et vides, mais il les rencontre. Avec le travail de Julien Donada, tout tient dans ce dernier verbe : il rencontre.
Et que ce soient les constructions que sa caméra arpente ou les architectes qu'il fait parler, c'est toujours d'une grande évidence, d'une proximité amoureuse et d'un désir de faire comprendre. J'aurais pu dire "pédagogique" mais je crois que malheureusement ce mot n'est pas à la mode...
Donc dès que vous aurez l'occasion, l'opportunité de voir ce dernier film ou les autres soyez assurés que vous passerez un beau moment.
On ne s'étonnera donc pas que le choix se porte sur cette image de Haus-Rucker-Co.
Car l'œil comme outil de perception et aussi comme lieu même de l'espace (au sens de camera : chambre) est bien aussi sa manière de recevoir l'architecture. L'œil est un idéal ; cette forme fermée seulement percée d'un oculus dans lequel passe violemment la lumière est un bunker. Ce bunker ici perturbé par des appareillages Pop et similaires à des effets psychotiques de drogues non ingérées doit se remettre en question. Perturber l'œil aurait la qualité de perturber notre conscience du monde, de remettre en cause son objectivité comme s'il fallait démontrer qu'il nous leurrait.
Et comme le dit superbement Dominique Rouillard dans le très beau Superarchitecture, le futur de l'architecture 1950-1970 : " L'œil, l'ouïe, le nez : la perception seule compte, et devient totale simulation ; on ne regarde plus on reçoit des images."
On peut dire que Julien Donada dans son travail fait bien exactement le contraire : il regarde et nous donne à regarder. C'est bien dans cette attention au monde qu'il explore que se constitue en quelque sorte son registre.
Mais, par esprit de contradiction et aussi par jeu avec vous, je voudrais d'une manière qui pourrait bien être un rien cynique vous offrir cela :



Car pendant les errements joyeux et sans doute politiques de nombreux de ces architectes visionnaires, il y en avait d'autres qui étendaient la nappe sèche et plastifiée d'un monde insupportable et laid. Des milliers de mètres carrés couverts de tôles et de bitumes. Des nœuds commerciaux chantés par la publicité comme des lieux de bonheur ont couvert et couvrent encore nos espaces. Ils n'ont rien des implacables et magnifiques tables de Superstudio, rien de la poésie du groupe SITE, rien de l'enchantement mystérieux de la Fonction Oblique de Monsieur Parent. Ils sont le résultat géant d'un épouvantable déni d'architecture. Ils ne sont pas des temples de la consommation. Ils sont la preuve de la trivialité soudaine d'un monde riche dont je partage pourtant les espaces.
Je gare aussi parfois ma voiture, je prends aussi ce Caddie, petite cage de métal qui recevra mes utilités et mes désirs, je traverse les rayons pensés par des petits Princes de la communication, et je lâche en sortant une partie de mes heures.
Comme tout le monde. Et comme sans doute Haus-Rucker-Co qui devait bien aussi y faire aussi ses courses !
Et cette carte postale promotionnelle du Géant Casino de Marseille raconte cette relation. Elle dit la nouveauté de ces espaces dans le paysage, elle dit le plaisir consenti à les arpenter, elle dit la difficulté du photographe à faire verdir le lieu. Regardez comme la ligne de la construction nie le paysage, le barre au sens premier du terme. Regardez comme les autos viennent fabriquer l'espace.
Pourquoi n'avons-nous pas trouvé cela insupportable ?
Parce que nous y avons trouvé notre plaisir.
C'est notre seule vision et les filtres placés devant nos yeux par notre monde sont bien plus puissants que ceux de Haus-Rucker-co. Ils sont acceptés, aimés, désirés. Ils sont en quelque sorte (oui) une cosa mentale.
Je m'autorise pour finir sur une belle note à vous donner deux images tirées de l'ouvrage de Dominique Rouillard et je vous redis l'intérêt de lire ce très palpitant ouvrage.

Superarchitecture
le futur de l'architecture 1950-1970
Dominique Rouillard
éditions de la Villette, SC, 2004
isbn : 2-903539-68-5 1





1 commentaire:

  1. daniel leclercq8 mai 2013 à 16:51

    SITE L'architecture comme art. Essais dePierre RESTANY et Bruno ZEVI,ACADEMY EDITIONS-PARIS, 1981 (112 pages). Les magasons BEST à la sauce SITE un pur régal

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