lundi 24 novembre 2014

Apprendre se conjugue comme industrialiser

Une carte postale qui pourrait satisfaire Martin Parr :



Il n'y verrait qu'ennui, boring picture et inutile image.
Il n'aurait sans doute pas totalement tort si on reste sur ce regard premier, un rien amusé, devant la nécessité d'une telle image.
Sans doute que Martin Parr ne voudrait pas travailler cette image, cette carte postale, c'est-à-dire, justement en interroger la nécessité...
Il s'agit d'une édition de l'Europe en Eurolux, elle fut expédiée en 1973 et représente le Collège Charlemagne à Attigny dans les Ardennes.
Alors la nécessité d'une telle image c'est bien la vivacité démographique d'un pays qui emmène une tranche d'âge au collège et qui demande donc une construction neuve, rapide et économique. Cet élan est partagé par une population qui voit dans ces constructions nouvelles la vitalité, la nouveauté arriver dans son paysage. Il faut donc raconter cela à la famille. Le petit dernier entre au Collège. On peut affirmer qu'il y a donc bien une reconnaissance effective entre l'objet architectural et le correspondant. On pourrait, en riant un peu, parler d'une nécessité de correspondance. Cela Martin Parr ne le saisit pas ou, plus certainement feint de ne pas le voir.
Mais.
Mais cette période bénie de consommation, de démographie, de modernité visible et assumée a aussi cette particularité d'être éditée et industrialisée. Comme nous aimons le voir sur ce blog avec les Piscines Tournesol, il est intéressant de voir qu'un modèle d'architecture et de construction se diffuse sur le territoire et possède partout le devoir de se faire tirer le portrait en carte postale. On notera que celle du collège d'Attigny ne nous donne aucun nom d'architecte.
Ce n'est pas le cas ici :



Nous sommes cette fois à Troyes ville qui a vu sa Maison des Jeunes par Claude Parent architecte détruite...
Ici c'est le quartier des Chartreux photographié par l'éditeur la Cigogne qui nous en donne une belle vision depuis le ciel ensoleillé. C'est beau cette lumière.
L'éditeur en plus nous informe parfaitement en nous donnant le nom de l'architecte du groupe scolaire, Monsieur Millochau et des ensembles d'habitations, messieurs Grandnom Michel, Hermant André, Morel Roger et Sonrier Roland... ouf !
Si on regarde bien et que l'on a une mémoire de l'œil, on reconnaît le même type de façade, le même dessin des châssis des fenêtres à Attigny comme à Troyes. Le même architecte ?









Voyons, voyons...
Dans un numéro de novembre 1966 d'Architecture d'Aujourd'hui, je trouve un article complet sur un système constructif pour écoles et groupes scolaires. L'industrialisation, la rapidité de fabrication, ainsi que la modularité y sont chantés à juste raison et les images sont spectaculaires !
On peut même y voir que les concepteurs pensent pouvoir accrocher leur cellule sur une tour !
Les concepteurs ? Pierre Roux-Dorlut (atelier Badani Roux-Dorlut) et Raymond Camus ingénieur. On le voit aucune mention de Mr Millochau qui pourrait donc bien avoir été pour l'opération de Troyes un architecte d'opération (?)
Il est en tout cas intéressant de voir qu'un mode de diffusion de l'image de l'architecture aussi populaire que la carte postale ait pu ainsi diffuser à son tour un modèle d'architecture et prouver d'édition en édition la présence de ce type sur le territoire tout en affrontant celui-ci à un désir de représentation de ces lieux. Rien de boring là dedans mais la démonstration une fois encore que c'est bien un document qui mérite mieux que le dédain de certaines historiennes de l'architecture.
Pour ce qui est du modèle ici représenté, on pourra s'étonner que celui-ci, intelligent, léger, spécifique, modulable, typé dans ses représentations n'ait pas droit à une fétichisation comme celle de Jean Prouvé. On rêve de voir un jour dans une galerie parisienne, dans une institution, l'un de ces modules posé dans l'espace d'un white-cube et assumé comme modèle pour nous balancer à la figure l'utopie et mieux encore en ce moment l'hétérotopie.
Soyons certains que cela arrivera et cela sera justice historique et poétique. Oui.






Comment ne pas aimer ces très beaux dessins ?








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