dimanche 1 mars 2015

Présence du futur



"... Les pétales d'or commençaient à tomber du plafond de la salle blanche. Orok avait demandé une injection de Rouge cette fois car le Bleu l'éloignait trop du réel et ne lui permettait pas de projeter correctement dans les illusions profondes ses propres morceaux de vie. Et puis, la conscience était maintenant trop chère sur le marché de Corp-Arth pour la perdre ainsi dans les jeux de l'après-midi. Orok avait attendu que les enfants soient occupés par les appels joyeux distribués ici avec générosité par la compagnie d'exploitation minières qui faisait tout son possible pour que le travail et l'immigration ici soient attrayants. Orok avait les paupières qui tombaient déjà, il maintenait l'accoudoir du siège avec fermeté pour que la contraction musculaire fasse circuler le produit dans ses veines. Il aimait ce moment entre réel et perte de conscience que le fabricant dans des mélanges toujours plus forts voulait pourtant raccourcir, cela améliorait la productivité du produit mais, comme un vinaigre trop fort, interdisait les subtilités. Orok voulait un exhausteur de vie, pas une embrouille.





Il vit alors sur le plafond se projeter ses visions et curieusement son invention cérébrale le plaça au-dessus des mines de Lonsdaléite pour lesquelles il était venu travailler ici sur Centurion-Franc dans l'ombre de Platère. Il volait, pouvait choisir l'appui sous ses bras pour décider des mouvements mais déjà le Rouge ne le laissait plus décider des images et ses fils couraient dans la prairie large et verdoyante de ses Orcades-bis. Puis, tombant d'un coup comme emporté par un courant aspirant à une vitesse vertigineuse, Orok se retrouva à son tour assis dans la prairie à l'époque joyeuse de son enfance, celle où il parcourait les ruines de Orkney. Une bouffée nostalgique l'envahit immédiatement et il décida de ne pas en diminuer l'intensité par la télécommande mais de la vivre totalement. Il était à la fois avec ses enfants et enfant lui-même. Il vit sa mère avec sa fameuse couronne de pâquerettes tressées sur sa tête comme elle faisait toujours en plein été. Il vit son père que pourtant il n'avait jamais connu dans le réel conscient mais qui lui avait été enregistré dès ses sept ans dans ses souvenirs par l'administration familiale pour un équilibre mental permanent. Il n'aimait pourtant pas ce père que parfois certains ratés de l'enregistrement cérébral faisaient trembler comme une image vidéo parasitée. Ce père, pour Orok, n'avait pas de vraie consistance. L'herbe par contre, sous ses pieds nus était bien aussi douce que celle de polyester de son enfance, si bien imitée dans son réel et ici dans son rêve. Il comprit alors qu'il pourrait facilement avec cette dose de Rouge décider de faire venir dans sa rêverie Djebé sa femme qui avait quitté l'espace-temps depuis trois arcatures mais...."

- Tu es encore couché ? Mais tu lis quoi de si passionnant ?
Jean-Michel regarda Jocelyne avec un rien d'exaspération dans les yeux et lui montra la couverture de son livre édité dans la collection Présence du futur avec sa belle couverture dessinée par l'atelier Pierre Faucheux sur laquelle une sphère formait une ombre allongée.
- Il faut se dépêcher, tu sais, on a rendez-vous chez les Lambert pour le midi !
- Oui, je sais... Je veux juste finir mon chapitre et je...
À ce moment là, Momo et Gilles entrèrent dans la chambre des parents, et l'un avec des plumes dans les cheveux, l'autre un pistolet en plastique à la main, sautèrent sur le lit parental dans une poursuite digne du western vu hier soir sur la première chaîne.
Trop heureux de trouver une excuse à un peu plus de retard, Jean-Michel se joignit à eux et transforma le lit en Fort Alamo que, seul, Momo devait tenter de conquérir.
Devant cette folie masucline, Jocelyne fit demi-tour et tout en gardant une forme de dignité pour ne pas avouer sa défaite, se dirigea vers la cuisine en riant.
- Tant pis pour les Lambert ! On arrivera en retard, comme d'habitude.
Et dans son rire, elle composa le numéro de téléphone des Lambert pour expliquer le retard.



























Par ordre d'apparition :
Maeshowe, Chambered Cairn, Orkney, from the air. Planair.
Bingham Copper Mine, Utah. Mike Roberts éditeur, Kodachrome par Hal Rumel.
Decazeville, extraction du minerai à ciel ouvert, Cap-Théojac éditeur en Mexichrome.
Skara Brae Prehistoric Village, Mainland of Orkney.
Maeshowe, Orkney.
Central Chamber, Maeshowe, Orkney.

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