samedi 24 octobre 2015

Wogenscky dedans dehors

Commençons dehors :


















Cette construction qui semble vouloir tirer toutes les leçons de le Corbusier dans son rapport au sol, son dessin, sa volumétrie est de André Wogenscky. Nous sommes à Annecy devant le centre nautique de L'U.C.P.A et plus particulièrement devant le bâtiment de l'hébergement. J'ai eu un doute sur l'attribution mais notre ami Dominque Amouroux, spécialiste de l'architecte,  m'a fait le plaisir de répondre à ce doute par un courrier :

Bonjour David,
Oui c'est bien cela.
Annecy a accueilli le premier centre de voile lacustre créé par les fondateurs du centre d'initiation à la voile océanique de Socoa (St-Jean-de-Luz).
Ce centre de voile qui a ses hangars au bord du lac avait besoin d'un hébergement dont Wogenscky a reçu la commande parallèlement à celle du centre des Marquisats, les deux ensembles étant sur le même terrain. L'UCPA a ultérieurement repris cette activité.


Merci Dominique pour ces précisions.
On rappellera ici que nous avions déjà évoqué les Marquisats dans cette article et que Wogenscky est l'un de nos architectes préférés sur ce blog car l'un de ceux dont l'héritage corbuséen tout en étant transparent est renouvelé avec vigueur et respect.
La carte postale est une édition des Photographies de G. Rossat-Miquel sans date et nous montre très habilement comment l'architecte fait justement référence. On est d'abord surpris par le fort contraste entre la construction et son paysage, contraste ne tentant en aucun cas une intégration mais jouant avec les pentes, s’immisçant par son socle dans celles-ci, permettant le rattrapage par des pilotis du bâtiment supérieur et offrant ainsi une sorte de terrasse vide. La photographie nous montre aussi une polychromie simple mais rigoureuse faite d'un blanc, d'un gris et d'un rouge profond venant rythmer la construction. On aimera les évacuations et cheminées peintes en noir sur le toit. Les cellules des logements sont clairement visibles grâce à la grille du dessin de la façade offrant une forme de lecture possible des fonctions depuis l'extérieur et sans concession. C'est très beau, sans aucun doute. On regardera aussi depuis cet autre point de vue :


















Cette carte postale n'est malheureusement signée par aucun éditeur ni photographe. Si les couleurs semblent ici bien moins affirmées et comme lavées, le point de vue nous permet tout de même de voir l'appareillage de bois qui reflète même les pilotis.
On pourra pour en connaître l'histoire, lire le livre publié par Dominique Amouroux sur ce lieu.
Allons maintenant dedans :


Cette très surprenante carte postale nous montre la grande salle de la Maison de la Culture de Grenoble qui est l'un des chefs-d'œuvre de Wogenscky. Je reste surpris par l'existence de cette carte postale montrant bien à quel point l'architecture de ces nouveaux objets urbains était considérée comme des événements par les éditeurs à cette époque au point de penser qu'un correspondant aimera envoyer une image de l'intérieur de la construction à un ami. La photographie d'une très grande qualité est de M. J. Diaz. On y voit aussi le très moderne et pur rideau de scène peint par Martin Barré. Une merveille qui fait acte d'une fausse simplicité donnant un dynamisme à l'ensemble par ces quelques flèches géantes comme peintes au lavis d'encre de chine : une attente sereine des artistes. On sent là l'idée d'une machinerie scénique débarrassée des flonflons des brocards, des velours trop rouges comme pour dire que l'important du spectacle est sur la scène et non dans la salle : une visibilité de l'outil scénique.
Une autre :


J'aime beaucoup cette carte postale et vous savez pourquoi ? Parce que nous sommes sur la scène ! Oui, pour cette carte postale, le photographe, toujours Monsieur Diaz, s'est installé sur la scène pour prendre son cliché. Son appareil photographique enregistre donc les ouvertures, tout au fond, par lesquelles le cinéma va être projeté. Je pense qu'en fait, vu la disposition de la salle, le recul nécessaire du photographe n'étant pas possible à l'arrière de la première rangée de fauteuil, il décida de venir profiter de la profondeur de la salle pour la saisir ! Je pense aux plans de Jean-Luc Godard dans le Mépris montrant soudainement au public une salle de cinéma ou un travelling caméra vers une autre pour sonder la tautologie de l'image.
Je peux donc dire que, depuis cette carte postale, je suis allé sur la scène de la Maison de la Culture de Grenoble.

Vincent Juriens nous indique ce lien, je le partage avec plaisir :




Pour en savoir plus sur André Wogenscky, on pourra aller lire les livres que Dominique Amouroux a écrits à son sujet :

André Wogenscky
Dominique Amouroux
Carnets d'architectes
éditions du Patrimoine, Centre des Monuments Historiques

André Wogenscky et Louis Miquel à Annecy
Dominique Amouroux
CAUE 74

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