samedi 12 décembre 2015

La pin-up et le glaneur

Il est parfois difficile de faire des liens, d'imaginer un univers, d'inventer une histoire.
Les cartes postales, pour l'essentiel de ma collection, arrivent par hasard, au gré des découvertes et des dons (merci), mélangées dans des boîtes à chaussures dont je ne sais rien de leur rangement. Souvent souvenirs de voyages, correspondances familiales préservées, parfois petit glanage des bennes et des recycleries par des gens de peu cherchant quelques euros à empocher sur un vide-grenier, les cartes postales sont ainsi cherchées par des collectionneurs aussi variés que celui qui cherche la rue de son quartier, le petit métier disparu ou plus original, comme ce fut le cas lors d'une fouille, épaule contre épaule, un passionné de l'électrification de la France, cherchant dans la photographie de l'éditeur tel ou tel poteau électrique ou cet autre chineur, ayant travaillé comme dessinateur chez Michelin qui, lui, prenait son pied en trouvant des cartes postales représentant des morceaux de cartes routières sur lesquelles il avait pu intervenir...
Alors, lorsque je reviens de mes fouilles, mes quelques euros dépensés, je me retrouve souvent avec un ensemble de cartes postales hétérogènes dont je suis le seul à pouvoir établir un lien, celui de l'architecture moderne et contemporaine. Souvent, d'ailleurs, les vendeurs en entendant ma réponse à la question toujours posée de ce que l'on cherche restent étonnés que l'on puisse aimer en cartes postales la modernité. Plus c'est moderne, plus j'aime, cela continue de surprendre et c'est tant mieux pour nous et pour vous.
Alors aujourd'hui, sans trop de commentaires, voici l'exemple de ma chine de cet après-midi que je vous donne à voir, comme ça, comme c'est venu :


















D'abord cette vue superbe de la Cité ouvrière de Aïn-Chok (ou Aïn-Chock) à Casablanca. On y voit une nappe à la densité incroyable  construite par les architectes Marchisio et Busuttil au milieu des années 40. La carte postale du célèbre éditeur Flandrin nous donne à voir ce que aujourd'hui nous appellerions  une ville nouvelle dont l'architecture reprend l'essentiel des signes d'une architecture locale en offrant un plan d'urbanisme serré et organisé. La carte postale fut expédiée en 1952.





À Moreuil, il y a donc une très belle église qui, sur le moment de l'achat, me fit penser un peu vite aux frères Perret. Assez typique de la première reconstruction, celle d'après 1918, la modernité de cette façade reste superbe, fine, aux détails bien sentis. Ce style mêlant les registres d'un néo-gothique de Metropolis me fait penser aussi à l'école d'Amsterdam sachant mêler la brique au béton. La carte n'est pas datée mais Gaston précise au dos qu'il envoie "cette église refait à neuf car elle avait été démoli par les boches." Je trouve le nom des architectes de cette beauté : Charles Duval et Emmanuel Gonse.





Cette fois c'est bien Perret et c'est Amiens. C'est tellement Perret que l'éditeur et photographe G. Lelong nomme bien ce bâtiment Tour Perret ! La carte postale est bien une carte en noir et blanc, colorisée et un peu fantaisiste. On voit comment le photographe réussit à placer dans le fond la cathédrale. On aime beaucoup cette superbe architecture, radicale, puissante et dont l'isolement lui donne une allure de totem moderne.



Sur la plage Omaha-beach à Vierville-sur-Mer, se trouve l'hôtel du Casino. je sais cela car tout est écrit par l'éditeur Artaud pour Gaby. Il ajoute même le nom de l'architecte M. Bocquet et c'est cela qui me fit acheter la carte postale car j'étais peu passionné par la construction et sa dénomination, finalement, lui donne une plus-value patrimoniale. Je cherche donc des informations sur cet architecte de Paris mais je ne trouve rien. Tant pis, cela viendra... Et comme l'architecture de cet hôtel offre un doux mélange de régionalisme, de rudesse solide et d'une modernité un peu éteinte, je laisse le mystère de côté en espérant pouvoir me rattraper sur une autre construction de l'architecte.
Enfin :




Parce que l'architecture cela ne suffit pas toujours, parce que parfois il faut aussi aimer les images pour elles-mêmes, quoi de mieux pour arrondir une somme à payer que de piocher dans la boîte à chaussures une carte postale de plus.
La belle italienne prend la pose en 1955, une pose sage. C'est tendre amusé, mutin.
Cela suffit aussi pour dire le plaisir des images. Mais où vais-je ranger cette carte ? Dans quel classeur la faire glisser ?

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