mercredi 10 août 2016

La théorie de Karinthy appliquée sur Tatooine






Oui, Mathew avait bien fréquenté Georges Lucas, oui, il l'appelait Georges et lui en retour, l'appelait Mathew. Oui, c'est bien le réalisateur qui était venu le chercher à San Francisco. Jean-Jean et Mitica voulaient avoir tous les détails, buvaient toutes les paroles de Mathew, se demandaient comment ce hippie avait pu trouver ainsi le chemin des studios de Lucas. Mathew leur parlait de l'importance de Georges Auric, de Delerue ou encore de la sonorisation des films français avec un amour tout particulier pour Jacques Tati et aussi Topor. Mais les deux jeunes n'avaient jamais vu tous ces films et Mathew, quelques jours plus tard, leurs offrit tous les DVD concernés. Mitica encore immobilisé dans son lit, les deux jambes appareillées, pourrait ainsi regarder ces films sur son ordinateur.



- Tu sais c'est bien Mathew qui fit connaître la Planète Sauvage à Lucas ! C'est lui qui lui projeta le film en séance privée à Los Angeles et c'est Mathew qui offrit une partie de la collection de jouets de votre père. Il nous les envoyait à Noël, affirma très fier Gilles à ses deux neveux assis sur le lit d'hôpital.
 - Oui, c'est vrai j'avais oublié ça. J'ai rencontré Georges, en 70 ou 71. Il venait de finir son THX, pas très bon, un rien prétentieux mais tellement différent de la production de l'époque. Nous avions Bob Minckler comme ami commun. Vous voyez, lui, il venait voir aussi des films européens et on partageait ce goût-là. Un jour, je lui parlais des musiques de Delerue pour Truffaut et il me dit que je devrais en parler avec son pote. Son pote c'était Georges ! raconta Mathew.
 - Et tu as tourné tous les Star Wars ? demanda Mitica en tentant de se redresser dans son lit.
Tout en tapotant dans le dos de Mitica ses oreillers, Mathew lui répondit.
 - Non ! Seulement le premier et le troisième. Après j'en ai eu marre de ces conneries ! Et puis il y a eu le décès de Dick, celui de Ben et de Robert... La liste est longue. J'ai été déclaré séropo et l'enfer a commencé. Finalement il n'y a que depuis 8 ans que j'ai retrouvé vraiment le sens de mon travail. J'ai eu de la chance. Mais récemment j'ai travaillé pour d'autres cinéastes comme Gus Van Sant par exemple, pour Last Day, le film sur Cobain. Mon dernier vrai beau film. Et bien sûr, toujours pour Gus, sur Harvey Milk, là, plus comme témoin direct de l'histoire et pour les contacts dans la communauté. Maintenant, place aux jeunes !
- Papa m'a dit que c'est toi qui lui as donné le goût pour la musique électronique ? demanda Jean-Jean.
 - Oui, Hans lui avait déjà donné le goût de la musique classique et ton grand-père avait très tôt des computers à l'Agence, vous savez ça ? Oui ? L'un des pionniers à faire de l'archi avec ce genre de matériel, je parle de 78, 79 et moi, j'avais des amis à L.A qui commençaient aux studios de Georges à bidouiller des petits programmes. Ils formeront les studios THX quelques années plus tard, vers 83. Alors, j'ai fait entendre à Alvar. Après il est parti à Berlin, là c'est une autre histoire, il lui faudra vous le raconter.
 - Oh ! Je crois que Mitica est parti ! Il dort ! Les médocs sans doute, il est shooté le gamin, fit remarquer Gilles, tu restes avec ton frère, Jean-Jean ?
 - Oui, oui, Tonton, les parents passent me prendre à la fin des horaires de visite à 20h.
 - Bon, comment tu le trouves ton frère ? demanda Mathew.
 - Mieux depuis sa deuxième opération. Enfin... Il a encore chialé hier. Même s'il a fait semblant que non, je connais son visage, je sais voir ça. Mais bon, il a aussi essayé de plaisanter en me disant que se faire faire la toilette ça avait du bon. Vous voyez, Mitica... des hauts, des bas...
- Et ton père ? ajouta Gilles.
- Il culpabilise toujours. Tu sais c'est lui qui tenait le volant alors il croit que... Jean-Jean ne put pas finir sa phrase et sanglota en essayant de se retenir.
- Bon, écoute, lâche, gamin lâche tout, gamin, c'est bien que tu sois avec lui. On est là avec Mathew, on reste en France aussi longtemps que tu nous le demanderas. Et sa copine, à Mitica, celle qu'il avait à Tours ? demanda Gilles.
- Pas à Tours, à Reims tu veux dire. Non, pas de nouvelle, je crois que... bon... enfin, pas grand chose à attendre de ce côté-là.
- Et toi ? Avec Denis ?
- Ah...? Tu sais...? Il passe tout à l'heure. Il fait rire Mitica. Ça lui fait du bien et à moi aussi.

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Mitica ne comprenait pas très bien où il était. Il était debout et il pouvait voir son appareillage se mettre à remuer tout seul, comme un morceau de robot doré déglingué et cela le faisait rire. Pourtant, une chose étrange, lourde volait au-dessus de lui, comme un poids familier qu'il connaissait déjà. Il voyait des paysages de cités étranges, désertiques, dont il essayait de comprendre la localisation.
Il s'entendit appeler maman mais ce n'était pas sa voix, ce n'était pas non plus sa mère. Confusément, il cherchait à qui s'adressait cet appel quand soudain tout se mit à tournoyer autour de lui comme il avait vu le héros du film Rencontre du troisième type le subir dans sa camionnette. Comme s'il était dans une machine à laver. Enfin, tout se stoppa, il se mit à hurler, à avoir mal. Il entendit alors venir de loin son prénom. On l'appelait de loin. Son père ? Non. Son frère ? Non plus. Non, une voix familière masculine mais moins connue. Il eut chaud, il vit un bureau avec, derrière des ordinateurs, son père qui le grondait sans qu'il puisse savoir pourquoi. À nouveau la douleur, à nouveau cette voix masculine cette fois plus douce, tranquille, très proche. Il ouvrit les yeux, se réveilla. Il vit alors Denis qui le maintenait fermement par les poignets sur le matelas et qui lui parlait doucement.
- C'est rien mon gars, calme-toi, tout doux, c'est Denis, Denis. Tu faisais un cauchemar. Tout doux, mon gars. Je suis avec Jean. Regarde, il est là. On est là.
Sur le bord du lit, Jean-Jean était bien là, un rien terrifié par les hurlements encore proches de son frère mais surpris par le fait que Denis avait su réagir et bloquer son frère qui s'agitait violemment dans son sommeil. Jean-Jean était aussi très surpris que, pour la première fois, Denis l'ait appelé par un simple Jean au lieu de son prénom complet, exactement comme faisaient ses parents quand ils avaient des choses sérieuses à lui dire.
 - Ah ? T'es là ? J'suis où ? Ah putain c'est vrai.... L'hôpital... Où sont Gilles et Mathew ? demanda alors Mitica, encore embrumé.
 - Ils sont partis. Ils reviennent demain, répondit Jean-Jean.
 - Eh... Salut Frangin... N'aie pas peur... N'aie pas peur... articula tout doucement Mitica avant de sombrer à nouveau dans le sommeil.
 Il fallait partir.


Par ordre d'apparition :
- carte postale La guerre des étoiles, le Retour du Jedi, J05, éditions Imagines 'in, 1983 !
- Le Plessis-Robinson, Hôpital Marie Lannelongue, édition Abeille-Carte pour Lyna.
- Sud Tunisien : Matmata habitations troglodytes, édition Société Carthage.
- Matmata, habitations troglodytes, édition Société Carthage.
- Tataouine (qui donna pour Lucas Tatooine) Ksar Ouled Dabab, édition Chamam.


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