lundi 3 octobre 2016

Sarcelles pull rose, pull jaune, pull noir

Tout a été dit et écrit sur Sarcelles. De ses espoirs à ses défaites, de sa construction à sa déconstruction. Sarcelles est devenue un symptôme alors qu'elle fut un espoir, au moins, une réponse. Je n'ai pas les épaules théoriques ni encore moins l'expérience d'y avoir vécu pour discuter la légitimité de ce revirement.
Il suffit, c'est vrai, de voir d'autres villes nouvelles sorties de rien quelques années plus tard pour comprendre le difficile compromis qu'avait tenté Sarcelles. Grand nombre et coût réduit.
Aujourd'hui, je vous montre dans ce très grand ensemble un bâtiment superbe un peu oublié qui pourtant à lui seul pourrait montrer aux plus récalcitrants que les architectes de Sarcelles comme Monsieur Labourdette n'étaient pas des imposteurs.
Il s'agit du  Hall ou Palais des Expositions :



Sur cette carte postale Guy pour André Leconte on peut facilement juger de la grande beauté abstraite de ce Palais des Expositions de Sarcelles. Posé sur un socle léger qui le soulève de seulement quelques centimètres et qu'une volée de marches permet de rejoindre, le voici, affichant une modernité froide, boîte de verre presque totalement ouverte que le grand toit plat vient couvrir en débordant largement de sa façade. On pourrait en tirant la corde, y voir un hommage à une architecture allemande digne de Mies van der Rohe tant le bâtiment expose sa structure, ses espaces, sa transparence. Bien évidemment s'ajoute à sa réalité le contraste saisissant avec le paysage des barres grises et régulières en arrière plan dont j'aime tant la rigueur et l'absolue détermination.
Sur cette carte postale, passent des enfants comme nous avons maintenant l'habitude de le constater sur les cartes postales des Grands Ensembles. Ici, trois petites filles se promènent sans que l'on puisse juger de la raison de leur présence ni de leur solitude. Elles profitent du bassin. On remarquera que les coloristes de cartes postales ont choisi des couleurs sans doute à rebours de la prise de vue car la photographie est bien en noir et blanc. Rose, jaune, noir. La blouse, elle, est toujours grise. On placera un point rouge sur la robe de l'adolescente montant les marches à l'arrière plan, superbe idée du contre-point coloré. Bassin et ciel se répondent. Au milieu la ville.
Il va de soi que cette présence enfantine sert l'image de la ville mais j'arrête tout de suite ceux qui voudraient y voir une image politique ou d'autorité tentant de troubler (et adoucir) l'image du vivre à Sarcelles. Il arrive aussi que les enfants passent devant les cadres des appareils photographiques. Regardons une autre carte postale de ce Palais des Expositions :



Cette fois c'est l'éditeur Mage qui régale. On notera la différence de procédé d'imprimerie, cette carte est plus récente et se vante de ses couleurs naturelles ! On voit aussi comment finalement ce Palais des Expositions tout de verre devient comme une pierre noire brillante. La transparence disparaît au profit d'une ombre, d'un monolithe dur qui, dans ce glaçage me fait vraiment de plus en plus penser à Mies. La photographie ne dit rien vraiment de l'usage. Personne n'entre ou ne sort, personne ne se promène sous l'auvent débordant, aucun signe ne permet de dire ce qui se passe à l'intérieur. Aucune correspondance ne permet d'ajouter à l'image son usage. Le photographe choisit son point de vue, une fois encore, avec des présences d'enfants. Les filles portent des blouses bleues cette fois. Aucun adulte. Mais que ce Palais est beau !
"Quand je devais définir un projet, que j'en mesurais les conséquences et l'ampleur de ma responsabilité, je me sentais aussi puissant qu'un prince."
Voilà qui, rapidement, pourrait faire passer Jacques-Henri Labourdette pour un mégalomane. Pourtant, il suffit de parcourir son livre pour se rendre compte que Sarcelles fut pour lui un véritable lieu et non une simple opération. Il faut aussi lire son témoignage sur Françoise Choay qu'il accompagne dans les rues de Sarcelles pour comprendre le malentendu sans doute un peu bavard que cette ville est devenue.
Aimons Sarcelles. Non par obligation mais parce que l'histoire doit passer, qu'elle passe, et que tout, tout finit par se construire même l'écheveau délicat des erreurs et des réussites.

Une vie, une œuvre, Jacques-Henri Labourdette architecte.
Jacque-Henri Labourdette
édition Gilletta.Nice Matin 2002.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire